CRISTAUX LIQUIDES - Physico-chimie des cristaux liquides thermotropes

CRISTAUX LIQUIDES - Physico-chimie des cristaux liquides thermotropes
CRISTAUX LIQUIDES - Physico-chimie des cristaux liquides thermotropes

Contrairement à ce que pourrait laisser penser la dénomination «cristal liquide», ces matériaux ne sont pas caractérisés par leur état plus ou moins fluide mais par leurs structures extrêmement originales appelées phases mésomorphes, qui en font bien des formes entièrement nouvelles de la matière. Les domaines d’existence de ces phases sont d’ailleurs séparés des domaines d’existence des phases solides ou liquides par des discontinuités de la plupart des propriétés physiques. On sait qu’il existe trois grandes familles de cristaux liquides (fig. 1): les smectiques, les nématiques et les cholestériques.

1. Nature chimique des phases mésomorphes

En modifiant la structure moléculaire d’un composé, il est possible d’en faire varier de façon spectaculaire les propriétés qui dépendent directement de la forme et des dimensions de la molécule aussi bien que de son moment dipolaire permanent et de sa polarisabilité. Une légère modification au niveau moléculaire peut en effet provoquer des changements considérables des propriétés macroscopiques du matériau dans les diverses phases condensées. Grâce à l’étude de séries de composés mésomorphes, il est possible de formuler des conclusions empiriques concernant la relation entre la nature de la mésophase et la structure moléculaire des espèces chimiques correspondantes. Divers travaux ont permis de répondre peu à peu à quelques-unes des questions principales concernant les aspects moléculaires prépondérants qu’il faut prendre en considération pour obtenir des matériaux mésomorphes: s’agit-il des dimensions des molécules, de la nature des fonctions chimiques, de la symétrie, des moments dipolaires, ou de la polarisabilité...? Quelle est l’influence de telle ou telle particularité structurale sur la stabilité thermique d’un cristal liquide, les valeurs des températures des transitions, de la biréfringence du milieu, l’importance et le signe de l’anisotropie diélectrique, la stabilité chimique et photochimique?

En dehors de leur intérêt théorique, les réponses à ces questions sont immédiatement transposables à de nombreux domaines de la chimie, de la physique et même de la biologie et permettent, même si elles sont parfois empiriques et partielles, de progresser dans les multiples domaines technologiques où interviennent les cristaux liquides. Les propriétés physiques de ces matériaux conditionnent en effet leur utilisation dans divers dispositifs et la stabilité, dans le temps, des matériaux utilisés constituera toujours un critère de choix primordial au niveau des applications.

Les matériaux mésomorphes se répartissent en deux grandes catégories: les thermotropes et lyotropes.

Les matériaux thermotropes

Ils présentent une ou plusieurs phases mésomorphes qui apparaissent par simple élévation de la température du solide initial. Le motif moléculaire élémentaire est, en général, constitué par de petites molécules organiques.

Molécules de forme allongée

Smectiques et nématiques

La plupart du temps, les molécules nématogènes ou smectogènes sont du type:

où X est un groupement rigide (tabl. 1) et où les groupes latéraux R1 et R2 sont généralement des chaînes alkyl, alcoxy ou acyl, des groupements C 令 N ou 2 ou tout simplement des halogènes.

L’importance des divers blocs constitutifs de la molécule:

fait actuellement l’objet de nombreux travaux afin de déterminer le rôle joué par les noyaux benzéniques, l’influence de la nature du groupement central X, l’effet de la longueur ou de la ramification de chaînes R1 et R2, et l’efficacité de tel ou tel substituant sur les cycles. On peut schématiser les résultats de ces travaux en disant que la rigidité du groupement central X et la non-ramification des chaînes R1 et R2 constituent des facteurs favorables à l’obtention d’une phase mésomorphe.

L’influence de la conformation de la chaîne est, par contre, beaucoup trop complexe à analyser pour qu’il soit possible de conclure de façon aussi schématique.

À partir de ces quelques idées générales, de nombreuses variantes ont été envisagées. Des séries intéressantes font, en particulier, intervenir plusieurs cycles:

Il faut noter que certains matériaux smectiques présentent une polarisation spontanée – une ferroélectricité – liée à une distorsion naturelle qui peut exister en l’absence même des contraintes extérieures. Ces nouveaux matériaux découverts en 1975 sont l’objet de recherches actives en vue d’une éventuelle utilisation en optoélectronique.

Synthétisé en 1969, le p -métoxy-benzilidène-p -butylaniline (MBBA) fut un des premiers matériaux nématiques obtenus à la température ambiante. Il a servi de matériau de base à un grand nombre d’études de physiciens et de physico-chimistes (tabl. 2).

Un grand nombre de produits possèdent actuellement des propriétés (stabilité chimique et photochimique, étendue en température du domaine mésomorphe) plus satisfaisantes que le MBBA, mais son importance historique reste tout à fait exceptionnelle.

Le térephtal-bis -p -butylaniline (TBBA) est une bonne illustration du polymorphisme des cristaux liquides: selon la température, il se présente successivement sous la forme d’un smectique B, C ou A, ou d’un nématique (tabl. 2).

Il faut souligner l’évolution des connaissances relatives au polymorphisme des phases smectiques. Essayons de préciser simplement l’état de la question. Nous distinguerons pour simplifier deux catégories de phases smectiques: les phases smectiques caractérisées par un arrangement en couches des molécules, puis les phases smectiques à ordre tridimensionnel.

Dans la première catégorie nous trouvons:

Les smectiques A. Un certain nombre de traits restent communs à tous les smectiques A: absence d’un ordre de position à longue distance des centres de gravité des molécules à l’intérieur des couches («couches liquides»), caractère optique uniaxe positif, impossibilité d’induire une structure hélicoïdale avec des matériaux optiquement actifs. Malgré ces nombreux traits communs, il a été récemment possible d’affiner la description de ces phases et de mettre en évidence au sein de sytèmes fortement polaires diverses phases smectiques A: smectiques A monocouches (SA1), smectiques A bicouches (SA2), smectiques A dont l’épaisseur des couches est comprise entre une et deux longueurs moléculaires (SAd ); enfin possibilité d’existence d’une phase localement bimoléculaire mais possédant une modulation à longue distance dans une direction parallèle aux couches (SÃ). L’existence de transitions de phases entre ces diverses catégories de smectiques A est maintenant bien établie.

Les smectiques C . Ces phases sont également constituées de couches liquides mais elles sont optiquement biaxes; en outre, il est possible d’obtenir des phases chirales SC qui sont ferroélectriques.

Les smectiques F . Les études aux rayons X ont mis en évidence la structure stratifiée de cette phase ainsi que l’inclinaison des molécules par rapport à la normale aux couches. À l’intérieur des couches, on observe un arrangement local en chevrons.

Les smectiques I . Ils sont très proches des smectiques F, toutefois l’analyse des profils de raies indique que l’ordre dans les couches s’étend à plus grande distance dans le cas des smectiques I.

Dans la seconde catégorie, l’arrangement moléculaire entre molécules voisines est toujours un empilement de type «chevrons» pour les smectiques B, G, E ou H.

Si l’ordre est simplement local, la maille sera hexagonale (SB) ou pseudo-hexagonale lorsque les molécules sont inclinées par rapport aux couches (SG). Lorsque l’ordre en chevrons s’étend à longue distance, les molécules sont soit perpendiculaires aux couches (SE) soit inclinées par rapport aux couches (SH).

Enfin certaines phases smectiques tridimensionnelles pouront présenter localement un ordre liquide des centres de gravité (SD).

Cholestériques

Les esters de cholestérol mais également des composés possédant un carbone asymétrique présentent des structures cholestériques.

Molécules de forme discoïde

L’existence de phases mésomorphes à molécules plates de forme discoïde est connue depuis 1961; il s’agit non pas de corps purs mais de systèmes complexes constitués de mélanges obtenus par pyrolyse à 400 0C environ de brais de houille ou de pétrole. Il a fallu attendre 1978 pour voir apparaître les premiers corps purs conduisant à des mésophases constituées de molécules discoïdes. En quelques années, la découverte d’un polymorphisme très riche a permis de mettre en évidence l’existence de plusieurs phases:

– Les phases en colonnes (D) constituées d’empilements, réguliers ou non, de disques formant des colonnes sans corrélation de position entre elles; les colonnes se placent aux nœuds de réseaux géométriques variés (hexagonales: Dh, rectangulaires: Dr...).

– Les phases nématiques (ND) dans lesquelles les molécules sont perpendiculaires au directeur, alors que dans le cas des molécules de forme allongée elles lui sont parallèles.

– Les phases cholestériques (ND) obtenues par introduction d’un carbone asymétrique dans l’édifice moléculaire.

Diverses séries ont été développées au cours des trois dernières années, mais ce sont les dérivés hexasubstitués du triphénylène et du truxène (fig. 2) qui conduisent aux polymorphismes les plus riches.

Ces nouveaux matériaux ouvrent un champ d’investigation tout à fait nouveau et il est encore trop tôt pour apprécier les développements technologiques que ne manqueront pas de susciter les recherches fondamentales qui se multiplient actuellement dans ce domaine.

Les matériaux lyotropes

Ils sont généralement constitués par des molécules assez longues (lipides, phospholipides, protéines, macromolécules) en solution dans un substrat liquide qui est la plupart du temps de l’eau. Il est possible d’induire des transitions de phase en modifiant la concentration de molécules dans le substrat, mais la fragilité de ces systèmes vis-à-vis de la température interdit souvent de le faire en utilisant d’importantes variations de la température. Les phases lyotropiques constituent un domaine important des cristaux liquides puisqu’on les rencontre dans de nombreux systèmes biologiques. Ces milieux complexes sont étudiés en termes de physico-chimie. Nous limitons ici cet exposé aux cristaux liquides thermotropiques.

Polymères mésomorphes

À la suite des recherches relatives aux cristaux liquides, un nombre important de laboratoires se sont intéressés à l’étude des polymères mésomorphes. On peut distinguer, comme pour les cristaux liquides classiques, des polymères mésomorphes lyotropes et des polymères mésomorphes thermotropes. Les polymères thermotropes sont des macromolécules présentant dans un certain domaine de température des phases anisotropes nématiques ou smectiques. Deux classes de polymères ont été plus particulièrement étudiées: les polymères à groupes latéraux mésogènes et les polymères dont le groupe mésogène est compris dans la chaîne. En jouant sur les deux spécificités de ces matériaux, mésomorphes et macromoléculaires, on peut envisager de multiples applications et évoquer, par exemple, l’avenir des polymères thermotropes pour l’obtention de fibres utilisables dans l’élaboration des matériaux composites.

2. Structure microscopique et dynamique moléculaire

Ainsi que cela apparaît dans la description des caractères généraux des cristaux liquides, les différentes phases peuvent être identifiées à partir de leurs symétries moyennes, qui sont reflétées par les propriétés macroscopiques. Il convient néanmoins de chercher une description plus détaillée (plus microscopique) de ces phases afin d’aboutir à une compréhension complète du phénomène mésomorphe.

Comme on l’a vu précédemment, la plupart des molécules sont constituées de deux ou trois noyaux benzéniques liés entre eux de façon plus ou moins rigide avec, en outre, des chaînes alkyl ou alkoxy en position para. La première idéalisation a consisté à assimiler les molécules à des bâtonnets cylindriques ou à des ellipsoïdes. Ces modèles ont conduit à une bonne description des propriétés des phases smectiques et nématiques. On essaie actuellement, à l’aide des techniques spectroscopiques habituelles, de dépasser et d’affiner ce type de description afin de savoir quelle est la conformation de la molécule dans une phase donnée, quels sont les degrés de liberté autorisés et quelle est la symétrie locale.

Les mesures aux rayons X semblent bien adaptées à l’étude des systèmes présentant une périodicité de la densité électronique moyenne sur une échelle de plusieurs nanomètres. Cette technique permettra en effet de préciser les structures en phases smectiques, la dépendance de ces structures vis-à-vis de la température, l’affectation d’un groupe spatial de symétrie à chaque phase. L’information fournie par les rayons X est néanmoins essentiellement du type statique.

La résonance paramagnétique électronique (R.P.E.) est pour sa part utilisée pour déterminer l’ordre d’orientation des molécules dans les phases nématiques. Elle permet également de déterminer l’ordre local d’une chaîne, par exemple en faisant varier la position du site paramagnétique le long de la chaîne. Il a ainsi été possible de montrer que l’ordre local diminue lorsqu’on se déplace vers le bout de la chaîne, que les molécules tournent autour de leur axe d’allongement dans toutes les phases, que la transition solide-smectique s’accompagne d’une véritable «fusion» de la chaîne.

La résonance magnétique nucléaire (R.M.N.) a tout d’abord été appliquée à l’étude de l’ordre intermoléculaire et de la dynamique dans les cristaux liquides nématiques. De nombreux problèmes de dynamique des chaînes ont par la suite été traités et les résultats obtenus sont parfaitement cohérents avec ceux qui sont issus de mesures aux rayons X ou par la résonance paramagnétique électronique.

La diffusion des neutrons est, sans doute, la technique la plus sensible aux mouvements moléculaires. On est, grâce à elle, parvenu à déterminer de façon précise les divers mouvements auxquels sont soumises les molécules, en particulier dans les phases smectiques.

Les spectroscopies de vibration (infrarouge et Raman) sont enfin bien sûr largement utilisées pour identifier les espèces chimiques. Mais la diffusion Raman permet aussi d’obtenir une évaluation du paramètre d’ordre du milieu. Il est, en outre, possible de relier le spectre de diffusion Raman aux modifications de conformation moléculaire qui interviennent lorsque la température du milieu évolue. Les spectaculaires modifications qui se manifestent lors des transitions de phases peuvent être analysées par cette technique ainsi, d’ailleurs, que par celles qui ont été décrites précédemment.

3. Propriétés physiques remarquables

Les cristaux liquides présentent des propriétés optiques tout à fait inhabituelles (cf. état MÉSOMORPHE) qui sont à la base de nombreuses applications.

Les phases nématiques ou smectiques A (dont les molécules sont perpendiculaires au plan des couches) constituent des milieux optiquement uniaxes; les cholestériques, eux, du fait de leurs structures périodiques, donnent lieu à des réflexions de Bragg dans le domaine des longueurs d’ondes optiques. D’autres milieux manifestent de telles propriétés; cependant, dans le cas des cristaux liquides, ces propriétés se révèlent au sein d’un milieu fluide et, par conséquent, d’un substrat malléable et très sensible aux perturbations extérieures qui modifient l’ordre orientationnel du milieu. Les cristaux liquides sont ainsi de bons détecteurs optiques de très faibles perturbations (température, champ électrique ou champ magnétique, pression, agent chimique, etc.).

La majeure partie des applications découlent de la propriété originale qu’ont les cristaux liquides d’être facilement orientés par un champ électrique ou magnétique.

Action d’un champ électrique

L’énergie d’un ensemble de molécules soumises à un champ électrique Es’écrit:

Cette expression suppose la convention d’Einstein qui consiste à effectuer une sommation sur les indices répétés.

Le moment électrique d’une molécule i a pour expression:

E ij E est le moment induit, m E 0i le moment permanent et E ij le tenseur de polarisabilité électrique. On a donc l’énergie de l’ensemble des molécules:

L’orientation coopérative des molécules s’effectue de façon à minimiser la valeur de l’énergie W E . Comme ij est une quantité toujours positive, la valeur W E dépend de l’importance des moments permanents et induits, qui peuvent parfois jouer un rôle antagoniste, d’autant plus que les dépendances fréquentielles et thermiques des contributions permanentes et induites sont très différentes. Suivant les molécules et les conditions expérimentales, on peut donc avoir deux comportements:

– l’alignement des molécules dans la direction du champ électrique (anisotropie diélectrique positive),

– l’alignement des molécules dans la direction perpendiculaire du champ électrique (anisotropie diélectrique négative).

Action d’un champ magnétique

Si l’analyse, pour le champ magnétique , est en tout point semblable à celle qui vient d’être développée pour le champ électrique, le résultat n’est pas équivalent. L’énergie d’un ensemble de molécules soumises à un champ magnétique s’écrit:

avec W M énergie magnétique, m M i moment magnétique, mais m M i = M ij H j . En effet, la quasi-totalité des molécules mésomorphes ne possèdent pas de moments magnétiques permanents; ce sont généralement des molécules diamagnétiques qui possèdent uniquement un moment induit. On a donc, en général:

On peut montrer que 見M ij est une quantité toujours négative (diamagnétisme) et le comportement habituel correspond à l’alignement des molécules dans la direction du champ.

4. Applications

Les applications des propriétés physico-chimiques des cristaux liquides thermotropiques se sont très largement développées au cours de ces dernières années. Nous n’en évoquerons ici que quelques exemples.

Les dispositifs d’affichage et de visualisation

Ils font ainsi appel aux effets de champ électrique que nous venons d’évoquer. Dans tous les cas, la cellule contenant le cristal liquide doit être transparente (en verre), pour permettre le passage de la lumière, et d’épaisseur faible (quelques millimètres) de façon à obtenir de fortes valeurs de Epour des tensions appliquées très faibles: quelques volts (fig. 3). L’affichage numérique généralement utilisé est à sept segments (fig. 4); il permet l’affichage des chiffres de 0 à 9, par application du champ sur les segments concernés. On distingue plusieurs systèmes d’affichage.

Affichage par contrôle de la biréfringence d’un cristal liquide nématique

Pour un affichage par contrôle de la biréfringence, une cellule contenant un cristal liquide nématique à anisotropie diélectrique négative (fig. 5) est placée entre polariseurs et analyseurs croisés. Les faces de la cellule ont subi un traitement convenable afin que la structure du milieu soit homéotrope (les molécules sont perpendiculaires aux parois de la cellule). En l’absence de tension appliquée, la propagation de la lumière n’est pas affectée par le cristal liquide; elle est donc arrêtée par l’analyseur comme s’il n’y avait pas de cellule. Si on applique entre les électrodes une tension supérieure à une valeur seuil, les molécules tendent à s’orienter perpendiculairement au champ (anisotropie négative) en commençant par le centre du film. Le cristal perd peu à peu sa structure homéotrope et devient biréfringent. Le plan de polarisation de la lumière tourne d’un angle qui dépend de l’épaisseur de la cellule, de la biréfringence n du milieu et de la longueur d’onde utilisée. La valeur n (n étant la variation d’indice) dépend, bien sûr, de la distorsion du milieu, donc de la tension appliquée. En lumière monochromatique, ce dispositif est un modulateur de lumière, en lumière blanche, c’est un filtre optique qui peut être utilisé pour faire de l’affichage en couleurs.

Affichage par un nématique en hélice

Pour un affichage utilisant un nématique en hélice (fig. 6), la cellule est du même type que précédemment, mais le matériau a, en revanche, une anisotropie diélectrique positive: les molécules sont parallèles au champ électrique. Les faces de cette cellule ont, en outre, été traitées de façon que les molécules s’orientent parallèlement à une direction donnée et parallèlement aux faces de la cellule (structure planaire). Au niveau des deux faces de la cellule, les directions d’orientation des molécules sont à 900 l’une de l’autre de façon à créer ainsi un nématique en hélice (pseudo-cholestérique). Si l’épaisseur de la cellule est grande devant la longueur d’onde, la direction de polarisation subit une rotation de 900 lors de la traversée de la cellule. La lumière sera ainsi transmise par l’analyseur si le plan de l’analyseur est croisé par rapport à celui du polariseur.

À la suite de l’application d’un champ électrique, les molécules s’alignent toutes parallèlement à la direction de celui-ci; le plan de polarisation n’est ainsi plus modifié lors de la traversée de la cellule et l’analyseur arrête totalement la lumière.

Affichage par diffusion dynamique

La diffusion dynamique (Dynamic Scattering Mode) a été découverte en 1968. Partant d’une cellule à structure homéotrope contenant un matériau à anisotropie diélectrique, on peut avoir une diffusion par application d’un champ électrique qui met en mouvement les impuretés ioniques présentes dans la préparation. Les effets tourbillonnaires résultant du déplacement des ions se traduisent par un aspect laiteux de la préparation dans la zone où il y a diffusion de la lumière. Le contraste dépend de la tension appliquée. Lorsque la tension est annulée, la cellule redevient transparente.

Affichage à l’aide de smectique A par effets thermo-optiques

Pour opérer un affichage par effets thermo-optiques (fig. 7), on utilise une cellule contenant un matériau smectique A d’anisotropie diélectrique positive et de structure homéotrope. Un faisceau laser crée un échauffement local dans la cellule, à l’origine transparente, et induit une désorganisation de la structure par passage à l’état isotrope. Au refroidissement, la phase smectique réapparaît avec une structure différente stable, d’où manifestation d’un effet de mémoire. L’application d’un champ électrique faible permet un effacement sélectif; il est possible d’obtenir un effacement total par application d’un champ électrique intense en phase smectique.

Contrairement aux autres types d’afficheurs, les cristaux liquides sont des éléments passifs qui ne peuvent fonctionner qu’en présence d’une source extérieure de lumière. C’est d’ailleurs une des raisons de leur faible consommation d’énergie.

Dans le cas où la source lumineuse est la lumière ambiante, on utilise un afficheur en mode «réflexion» (miroir placé à l’arrière de l’afficheur). Si on désire en revanche un contraste important, il faut choisir le mode «transmission» et recourir à une source lumineuse auxiliaire.

Par rapport aux autres dispositifs, les cristaux liquides présentent l’avantage de consommer très peu d’énergie, de demander une tension de commande de seulement quelques volts et d’offrir enfin un bon angle de lecture et un bon contraste à éclairement ambiant très faible. Ils comportent néanmoins un certain nombre d’inconvénients: la gamme de température d’utilisation est limitée, le temps de réponse plus élevé que pour d’autres dispositifs et leur durée de vie est difficile à préciser en raison de leur nouveauté. Il est en effet toujours difficile de prévoir l’évolution d’une technologie qui ne date que des années soixante-dix et qui progresse actuellement de façon spectaculaire. Alors qu’on estimait en 1975 que ces techniques ne permettraient pas de créer des écrans de télévision de quelques centimètres d’épaisseur, aujourd’hui des écrans «plats» et d’une dizaine de centimètres de côté et consommant seulement quelques watts sont réalisés par plusieurs constructeurs, si bien que l’on peut envisager tout à fait sérieusement le passage à des dimensions classiques et la commercialisation de ces nouveaux dispositifs consommant très peu d’énergie.

Les effets thermo-optiques des cholestériques

Un cristal liquide cholestérique éclairé en lumière blanche réfléchit la lumière suivant la loi de Bragg:

Seules les longueurs d’onde, obéissant à la valeur déduite de la relation de Bragg pour une valeur donnée du pas L de la structure cholestérique et de l’angle d’incidence , sont réfléchies en phase. La couleur d’un film cholestérique varie donc avec la température.

Les effets de la température sur la valeur du pas sont parfois très importants et L a une dimension du même ordre de grandeur que les longueurs d’onde du spectre visible. Selon la nature des phases cholestériques, on a pu obtenir des gammes de température de plusieurs dizaines de degrés et des sensibilités qui rendent possible la visualisation par changement de coloration des variations de température de l’ordre de 1/1 000 0C.

Ces effets thermo-optiques permettent ainsi de mesurer les températures (thermographie cutanée en médecine, thermomètres à cristaux liquides...), de transformer une image infrarouge en image colorée, ou encore de détecter les défauts dans des circuits électroniques ou dans des métaux en repérant une anomalie de conductivité thermique.

Les cristaux liquides utilisés comme matrice orientée

Les cristaux liquides sont généralement d’excellents solvants des molécules organiques. Une molécule solutée non mésomorphe peut être introduite en concentration relativement élevée sans perturber l’ordre de la matrice cristal liquide qui tient lieu de solvant. La molécule solutée est couplée au champ anisotrope dû aux interactions intramoléculaires avec les molécules de solvant (effet guest-host), mais elle peut néanmoins diffuser presque librement dans la matrice du solvant. Cette forte interaction soluté-solvant conduit à des déplacements fortement anisotropes des molécules solutées non sphériques dans la matrice cristal liquide.

Les interactions anisotropes entre molécules de soluté et molécules de solvant dépendent de la géométrie des molécules de soluté; elles constituent donc un paramètre de choix pour différencier deux isomères géométriques d’une molécule donnée. Cette propriété intéressante trouve une application en chromatographie où des cristaux liquides sont utilisés avec succès comme phase stationnaire.

En conclusion, soulignons le remarquable caractère interdisciplinaire des recherches et des applications concernant les cristaux liquides. Chimistes, hydrodynamiciens, opticiens, théoriciens, physiciens du solide, électroniciens et biologistes sont en effet concernés par ce type de matériau.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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